On revient sur la toile après quelques mois d’absence et, pour se faire pardonner ce silence virtuel, on lance une petite série sur les religions au Cambodge. Comme en plus on commence par le bouddhisme, vous allez adorer, c’est sûr !
1. Quelle est la place du bouddhisme au Cambodge ?
C’est la principale religion du pays et elle est tellement bien implantée que ni l’Islam ni le christianisme n’ont jamais réussi à la détrôner (et ce n’est pas faute d’avoir essayé). Aujourd’hui, 98 % des Cambodgiens sont adeptes du bouddhisme et, quand en 1993, il a été décrété religion d’Etat, personne n’y a rien trouvé à redire. Pas même le roi qui — surprise ! — n’a pas la même confession que ces sujets. Comme ses ancêtres angkoriens, Norodom Sihamoni est hindouiste et, d’après la tradition, il est même l’incarnation de Vishnu sur terre. A ce titre, il a chaque année la lourde responsabilité d’ensemencer symboliquement la terre pendant la fête du sillon sacré. Qu’il ne le fasse pas, et c’est la panique parmi les paysans (bouddhistes) !
2. Comment le bouddhisme est-il arrivé au Cambodge ?
D’après les historiens, il s’est implanté dans la région dans les années 250 après JC. A l’époque, le commerce avec l’Inde est florissant, et les navigateurs indiens apportent le Bouddha dans leurs valises. Au passage, ils ramènent aussi la trinité brahmanique et pendant longtemps Brahma, Vishnou et Shiva domineront le paysage religieux cambodgien. Il faut attendre la fin du 12ème siècle pour qu’un roi khmer — il s’agit de Jayavarman VII, le bâtisseur du Bayon — se convertisse officiellement au bouddhisme. La parenthèse sera de courte durée puisqu’à sa mort en 1218, le brahmanisme s’impose à nouveau comme la première religion du royaume. Mais la chute d’Angkor au XIVème siècle entraînera sa perte. En 1327, le bouddhisme qui a été réintroduit par les envahisseurs siamois devient religion officielle et ce sera définitif.
3. Quel bouddhisme les Cambodgiens pratiquent-ils ?
Ils pratiquent le bouddhisme Theravada ou « petit véhicule ». Cette version que l’on trouve principalement en Asie du Sud-Est est la plus ancienne et, selon ses adeptes, la plus proche des préceptes du Bouddha. Petite précision : même si, d’après la mythologie khmère, il lui a fallu 506 existences pour s’éveiller pour de bon, cela n’en fait pas un un dieu et les prières qu’on peut lui adresser sont techniquement inopérantes. Evidemment, la réalité est en décalage avec la théorie puisque les Cambodgiens lui adressent des doléances aussi souvent que nécessaire…
4. Que s’est-il passé sous les Khmers Rouges ?
En bons communistes tendance maoïste, les Khmers Rouges abhorraient la religion et ils n’ont eu de cesse d’effacer toute trace de bouddhisme au Cambodge. Pendant les quatre années de terreur qu’ils firent régner sur le pays, ils exécutèrent près de 60 000 moines (soit 92 % de la communauté ecclésiastique). Quant aux pagodes, elles furent soit rasées, soit systématiquement profanées…
5. Quelle est l’influence du bouddhisme aujourd’hui ?
Il est omniprésent dans la vie quotidienne ! Où que l’on aille, on croise des moines au crâne rasé et revêtus de la traditionnelle robe couleur safran. Mais c’est quand on parle aux Cambodgiens qu’on se rend compte à quel point les notions clés du bouddhisme sont ancrées dans la culture populaire. Les Khmers se souviennent souvent de leur vie antérieure et il n’est pas rare qu’un enfant soit considéré comme la réincarnation du grand-parent décédé peu avant (au Cambodge, on se réincarne plutôt en famille…). Surtout, pour améliorer son karma et éviter de se réincarner en fourmi dans sa prochaine vie, on n’hésite pas à devenir bonze, à faire l’aumône aux moines ou encore à mettre la main à la poche pour financer la rénovation des pagodes. Autant vous dire que le bouddhisme cambodgien se porte bien !
6. Quel est le rôle des moines ?
Il y aurait aujourd’hui près de 60 000 moines au Cambodge et, même s’ils passent l’essentiel de leur temps à étudier, ils s’impliquent largement dans les affaires de la cité. Leur mission première est bien évidemment religieuse puisqu’ils sont chargés d’enseigner aux profanes la Darhma (la loi du Bouddha). Mais ils sont également très actifs sur le plan social. Ils accueillent souvent les enfants des familles défavorisées, leur offrent le gîte et le couvert (il faut aimer le riz…) et, surtout, ils leur ouvrent l’accès à l’éducation. Il n’y a que sur le plan politique que les bonzes se tiennent en retrait. En tout cas, c’est ce que voudraient les autorités ; mais, comme on l’a vu depuis les élections de l’an dernier, la pratique diverge parfois de la ligne officielle…